Décharges sauvages de déchets textiles dans le désert de l’Atacama au Chili, montagnes de vêtements abandonnés et brûlés aux portes des métropoles ghanéennes… Depuis quelques mois, les images choquantes prises dans ces pays « poubelles » circulent sur les médias, appelant à la responsabilité des producteurs et des consommateurs. D’où viennent tous ces déchets textiles ?
La fast fashion, ou la mode jetable
Chaque année, plus de 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde. Selon une étude de Mc Kinsey, la production mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2014. Cette augmentation exponentielle de la production de textile est dû au rythme effréné des changements de collections, aux tendances de mode éphémères. Que faire quand ses vêtements ne sont plus à la mode quelques mois seulement après les avoir achetés ? On achète plus. Puis on jette plus, pour pouvoir acheter encore plus.
Les conséquences environnementales et sociales de cette surconsommation sont significatives et alarmantes. Selon une étude de l'ONU datant de 2019, la production mondiale de vêtements est "responsable de 20 % du gaspillage total de l'eau dans le monde". Ce n’est pas étonnant lorsque l’on sait que la production d’un t-shirt en coton consomme 2 500 litres d’eau : c’est l’équivalent de la consommation d’un français en eau potable pendant 17 jours. La production de vêtements et de chaussures est également responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre : ceci s’explique principalement par le transport des produits ainsi que par la production de fibres synthétique à partir de pétrole.
Les impacts environnementaux ne se limitent pas à la phase de production : ils sont bien plus importants à la fin de la chaîne. Chaque année, les européens se débarrassent de 4 millions de tonnes de textile : 80% de ces déchets textiles sont jetés dans la poubelle des ordures ménagères au lieu d’être triés puis recyclés. Pour cette raison, chaque seconde, une quantité de textiles équivalente à un camion de déchets est enterrée ou brûlée. Concernant les déchets textiles triés, une grande majorité est envoyée dans certains pays pauvres ou en développement spécialisés dans la matière pour être traités.
Le Chili, une plateforme de recyclage ou une décharge pour déchets textiles ?
Depuis une quarantaine d’années, le Chili s’est spécialisé dans le commerce de vêtements de seconde main. Des vêtements expédiés des pays du monde entier arrivent donc dans ses ports. Chaque année, 59.000 tonnes de vêtements arrivent dans la zone franche du port d'Iquique, à 1.800 km au nord de Santiago. Une grande partie des textile envoyés sont trop usés pour être revendus tel quels, et cette quantité astronomique de vêtements dépasse largement les capacités de tri et de traitement des établissements spécialisés du pays. Alors, une partie conséquente des textiles reçus sont voués à être jetés directement. Malheureusement, les décharges capables d’accueillir ce type de déchets sont très peu nombreuses dans le pays, voire inexistantes dans certaines régions, et ils ne sont pas acceptés dans les décharges municipales classiques car ils ne sont pas biodégradables et contiennent trop de produits chimiques.
C’est dans ce contexte qu’environ 39.000 tonnes de déchets sont entreposés dans des décharges sauvages à Alto Hospicio, une commune de la banlieue d'Iquique. Les produits chimiques et les microplastiques contenus dans ces déchets textiles polluent l’air et se déversent dans les nappes phréatiques.
Cesser d’envoyer des déchets dans des pays poubelles
Les déchets textiles ne sont pas les seuls à être centralisés dans certains pays du monde en vue d’être traités. Cette crise des déchets de la mode fait écho à la crise déchets plastiques de 2017. Cette année-là, plusieurs pays d’Asie ferment définitivement leurs frontières aux déchets plastiques des pays occidentaux, mettant fin à leur statut admis mais non-officiel de « pays poubelles ».
Centraliser les déchets textiles du monde entier dans des pays « spécialisés » dans le commerce de vêtements de seconde main est une fausse bonne idée. Il s’agit au contraire de repenser la gestion des déchets à une échelle locale et de promouvoir l’économie circulaire dans le monde de la mode.
Favoriser l’économie circulaire et la localité
Les déchets textiles sont difficiles à traiter et à valoriser, notamment à cause de leur composants chimiques. Cependant, ils peuvent être facilement réutilisés, recyclés ou transformés. Pour recycler un vêtement ou un tissu, il faut commencer par le broyer pour le ramener à l’état de fibre. Ces fibres sont ensuite torsadées pour obtenir un fil. Le processus de confection se poursuit ensuite comme pour un fil traditionnel. Par broyage et transformation de la matière textile en CSR, une valorisation énergétique de ces déchets est aussi possible. En tant que bureau de réalisation en économie circulaire et valorisation, Anviga promeut ces techniques de recyclage et de valorisation et travaille à leur intégration dans des circuits de production locaux.
L’up-cycling est une autre voie pour la réutilisation des textiles. L’up-cycling est la récupération de vieux tissus -invendus, chutes de rideau, linge de maison- ensuite transformés en vêtements, ou alors de vêtements existants, trouvés dans des dépôts-vente ou des vide-greniers, auxquels on donne une seconde vie en les retravaillant. Ce concept, popularisé seulement récemment, a déjà plusieurs dizaines d’années. Dans certaines collections de Martin Margiela, des robes sont taillées dans des trenchs et des hauts sont formés à partir d’une multitude de gants cousus les uns avec les autres. Aujourd’hui Maison Margiela Artisanal, une ligne couture, est même complètement élaborée à partir de matières préexistantes.
Responsabiliser les producteurs et les consommateurs
Pour faire face à cette crise du textile, le gouvernement chilien a annoncé un nouveau projet de loi qui a vocation à responsabiliser les producteurs : les industries qui importent les vêtements seront obligés de prendre en charge les résidus non-traités et de faciliter leur recyclage.
Les consommateurs doivent eux aussi se responsabiliser : acheter moins, privilégier les textiles durables et s’assurer du traitement de leurs vieux vêtements.
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